Académie

des Sciences Morales
des Lettres et des Arts de

Versailles

et d'Île-de-France

Manifestations Retour



avril
2019
mercredi
10

Exposition Marie Bayon de La Tour - Sculptures

au siège de L'Académie - 3 bis rue Richaud à Versailles

Vernissage
le mercredi 10 avril à 18h.
Exposition du jeudi 11 au dimanche 14 avril 2019
de 11h à 19h.

 

La terre (l’espace)

C’est un lieu commun: sculpter ou modeler, c’est apprendre à  voir dans l’espace, à observer. 

 Au début, la terre et l’eau. Il y a également la lumière sans laquelle on ne peut rien faire.

Avec patience et humilité, il nous faut travailler à fouiller l’espace. Mais le fouiller « de l’intérieur », la « pré-sentir »en quelque sorte afin d’entrer dans le projet et de trouver sa structure. La matière commande et s’impose à l’esprit créateur, mais la main guidée par l’œil et le cerveau doit gouverner. Et seul le travail permet d’acquérir cette autorité de l’esprit créateur sur la matière.

C’est dans le fond une démarche scientifique : faire tourner sa sculpture dans l’espace, évaluer les vides et les pleins, la regarder de loin et faire des pauses. Il convient également de prendre des risques dans sa création, sans cela, elle risquerait d’être sans intérêt !

Demander le conseil des autres également, rien ne peut se faire sans le regard de l’autre, et il est vite fait de s’engouffrer dans de graves erreurs…

Nous progressons dans la solidité de l’œuvre au fil du temps. La pièce est façonnée en ajustant son humidité (donc sa souplesse) à son travail. Une fois le travail terminé, elle est vidée.

Commence l’étape du séchage. La terre molle devient dure en séchant, mais elle est encore fragile. Lorsqu’elle est bien sèche, elle passe au four à 1020 degrés. Cuite, elle acquiert une solidité beaucoup plus grande par la fonte partielle des grains d’argile, et de la silice s’il s’agit de grès.

L’étape de tirage en bronze est une toute autre affaire et c’est le fondeur qui la réalise. Dans mon cas, c’est David de Gourcuff en Auvergne. Il réalise le travail de moulage et tire une cire. C’est sur cette cire que peuvent s’effectuer les dernières corrections. Après cette dernière vérification, le fondeur coule le métal en fusion (c’est un haut-fourneaux) et, après refroidissement, la pièce est ciselée.

Il faut alors vérifier la ciselure du bronze, choisir et suivre l’exécution de la patine adaptée au sujet. Moment essentiel de la mise en valeur de la pièce.

 

Ainsi se rejoignent l’histoire et la terre, le temps et l’espace.

Au fil des étapes de la création, nous progressons vers la consistance de la pièce. Après le séchage, le feu de la cuisson solidifie la terre. Celui du haut-fourneau qui fond le métal la rend quasiment indestructible. Nous rejoignons alors notre propre histoire,la céramique a existé depuis 10 000 ans avant JC, mais le bronze date une période de la vie de l’humanité[1]. Ce n’est pas rien.

Et c’est une émotion de voir son travail ainsi reproduit; ce mouvement, cette vie que j’aime, pérennisés grâce à la matière.

Matière qui permet à l’esprit créateur d’émerger à travers l’histoire et la terre, l’espace et le temps.

[1] De -3500 ans à -1000 ans avant JC.